L’épiderme et la différenciation des kératinocytes
L’épiderme , est la couche la plus superficielle de la peau. C’est un épithélium squameux stratifié kératinisé qui se renouvelle continuellement. Les kératinocytes représente la population majoritaire des cellules épidermiques (90 à 95 %). Les autres types cellulaires sont les mélanocytes , les cellules de Langerhans et les cellules de Merkel . L’épiderme ne contient ni vaisseau sanguin ni vaisseau lymphatique, mais renferme de nombreuses terminaisons nerveuses libres.
La fonction primaire de l’épiderme est de produire la couche cornée qui forme une couche protectrice semi-perméable permettant la vie terrestre, en empèchant la perte en eau, en maintenant une hydratation satisfaisante de la peau et en évitant une hyperhydratation.
L’épiderme est organisée en quatre à cinq couches :
-* la couche basale = stratum basale = couche germinative (une seule couche cellulaire) : c’est le compartiment germinatif ou prolifératif qui donnent naissance aux kératinocytes des couches plus superficielles ; elle est composée de cellules cubiques ou prismatiques ; les cellules basales sont attachées par des hémidesmosomes à une membrane basale acellulaire qui sépare l’épiderme du derme et forme la jonction dermo-épidermique .
-* la couche épineuse = stratum spinosum = la couche à épines (5 à 15 couches de cellules) : elle est composéede cellules polygonales dans les couches inférieures qui s’aplatissent dans les couches supérieures et qui sont liées l’une à l’autre par des structures, les desmosomes , qui les font apparaitre hérissées d’épines sur une coupe histologique (d’où le nom de couche épineuse)
-* la couche granuleuse= stratum granulosum (1 à 3 couches de cellules) : elle est constituée de cellules granuleuses aplaties qui contiennent des grains de kératohyaline et des granules lamellaires.
-* le stratum lucidum (une seule couche de cellules) : il n’est présent que dans les épidermes épais et est composée de cellules tranlucides
-* la couche cornée = stratum corneum (5 à 15 couches de cellules) : elle représente la couche la plus externe de l’épiderme en contact avec l’environnement extérieur et est composée de grandes cellules polyédriques plates, les cornéocytes qui ont perdu leurs organelles et sont dites mortes mais qui restent biochimiquement actives
L’épaisseur moyenne de l’épiderme est de 100 µm mais peut varier de 50µm sur les paupières à 1 mm sur la paumes des mains ou la plante des pieds.
L’épiderme se régénère continuellement et ce turnover constant est réalisé à partir de cellules de la couche basale comprenant des cellules souches épidermiques qui présentent un haut potentiel prolifératif, une grande capacité à s’auto-renouveler et à générer des cellules filles ou cellules à amplification transitoire (TAC = Transit Amplifying Cells). Après quelques cycles de division, les cellules à amplification transitoire entament un processus de différenciation terminale, dénommé kératinisation ou cornification. Les cellules à amplification transitoire quittent alors de façon permanente le cycle cellulaire pour se différencier progressivement en cornéocyte au cours de leur migration vers l’extérieur.
Lors du processus normal de différenciation , les kératinocytes des couches épineuse et granuleuse ont perdu leur potentiel prolifératif mais sont encore vivantes et fonctionelles. Le passage des kératinocytes de la couche basale à la couche épineuse est caractérisé par un changement d’expression des kératines de la couche basale (K5 , K14, K15) vers celle de kératines épidermiques suprabasales, les kératines K1 et K10, et par la production de l’involucrine , un marqueur précoce de la différenciation, et de granules lamellaires dans ses couches supérieures.
- Coloration par immunofluorescence indirecte avec un anticorps polyclonal dirigé contre l’involucrine
- Les couches supérieures de la couche spineuses et la couche granuleuse sont colorées en jaune par l’anticorps alors que l’ensemble du tissu est contre coloré en marron et en rouge par le bleu Evans.
La couche granuleuse est caractérisée par la présence des grains de kératohyaline et l’expression de marqueurs tardifs de différenciation, la loricrine et la filaggrine . La différenciation des cellules granuleuses résulte dans la formation d’une zone de transition qui sépare les couches épidermiques vivantes de celles dites « mortes » de la couche cornée. C’est dans cette zone que les constituants de la cellule granuleuse sont profondément remodelés, pour finalement aboutir à la formation des cornéocytes de la couche cornée.
Au cours de ce processus, on observe les changements suivants :
-* les cellules granuleuses perdent leur noyaux et leurs organites intracellulaires
-* le contenu des grains de kératohyaline est dispersé dans le cytoplasme, provoquant la maturation de la filaggrine, à partir de son précurseur , la profilaggrine. La filaggrine comme son nom l’indique, induit l’aggrégation des filaments de kératine qui vont ainsi s’organiser en un réseau qui va former la matrice cytoplasmique des cornéocytes.
-* finalement, la filaggrine est protéolysée en acides aminés polaires libres, en acide urocanique (UCA) et en acide pyrrolidone carboxylique (PCA) qui constituent les « facteurs hydratant naturels » (NMF en anglais pour « Natural Moisturizing Factor ») de la couche cornée en surface.
-* la membrane plasmique laisse place à une enveloppe rigide, extrêmement résistante, et insoluble : l’enveloppe cornée . Celle-ci est produite par l’action des transglutaminases qui catalysent la formation de liaisons isopeptidiques à partir de différents précurseurs protéiques : cystatine-alpha et involucrine d’abord puis loricrine, élafine et « small proline rich proteins ».
La cohésion de la couche cornée est assurée par des structures spécialisées liant les cornéocytes entre eux et apparentées aux desmosomes, les cornéodesmosomes.
A la jonction entre la couche granuleuse et la couche cornée, au niveau du pôle apical des kératinocytes de la couche granuleuse, les corps lamellaires fusionnent avec la membrane plasmique et déversent leur contenu lipidique dans les espaces inter-cornéocytaires. Ces lipides présents dans les corps lamellaires sous la forme de structures discoidales, une fois libérées, fusionnent pour constituer d’amples lamelles qui se superposent parallèlement à la surface des cornéocytes pour former un ciment intercornéocytaire compact qui joue un rôle clé dans la fonction « barrière » de l’épiderme. Les lipides des granules lamellaires sont des lipides polaires : phospholipides, cholestérol et glucosylcéramides, qui vont être modifiés dans les espaces intercornéocytaires, par des enzymes spécialisées, en céramides (SC Cer 1-7), cholestérol, sulfate de cholestérol et acides gras libres.
- La jonction entre la couche granuleuse et la couche cornée observée au microscope électronique à transmission
- On peut observer la libération du contenu des granules lamellaires dans l’espace extracellulaire entre les deux cellules.
La desquamation, qui correspond à la libération des cornéocytes, résulte de l’activité d’enzymes de la famille de la trypsine et de la famille de la chymotrypsine (dénommés « Stratum Corneum Tryptic Enzyme » (SCTE) et « Stratum Corneum Chymotryptic Enzyme » (SCCE)) qui sont responsables de la destruction des attaches inter-cornéocytaires.
Bibliographie
Pour revue voir :
Michel Démarchez
Articles de cet auteur
Mots-clés
- filaggrine
- desmosome/desmosomes
- acide urocanique
- cellule de Langerhans/cellules de Langerhans
- cellule de Merkel/cellules de Merkel
- Cornifin/small proline-rich proteins
- couche cornée / stratum corneum
- épiderme
- involucrine
- kératine/kératines
- kératinocyte/kératinocytes
- la transglutaminase/les transglutaminases
- loricrine
- mélanocyte/mélanocytes
- small proline rich proteins/SPRs/SPRRs
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