Immunosuppression induite par les UVs
Le rayonnement UV perturbe le système immunitaire cutané et induit une diminution des défenses immunitaires réduisant la capacité de surveillance vis‐à‐vis des tumeurs ou des antigènes viraux ou étrangers (pour revues voir : (Norval, 2002 ; Schwarz, 2010 ; Ullrich et Byrne, 2012 ; Kripke, 2013)).
I. Mode d’action des UV
Les UV agissent à plusieurs niveaux de la réponse immunitaire :
• En altérant le nombre, la morphologie et la fonction des cellules de Langerhans : les cellules de Langerhans vont perdre leur dendricité ; l’expression de leurs marqueurs de surface (CD1, HLA-DR, ATPase) et des molécules d’adhésion (ICAM-1) ou de co-stimulation B7 est diminuée ; le nombre de granules de Birbeck est réduit ; sous l’effet des UVs, une partie des cellules de Langerhans vont migrer vers les ganglions périphériques en ayant perdu leur capacité de présentation d’antigène et de stimulation des clones de lymphocytes T de type Th1 mais en conservant leur potentiel de stimulation des clones de lymphocytes T de type Th2 ; des cellules de Langerhans vont entrer en apoptose. Les cellules de Langerhans altérées par les UV vont également activer des cellules NKT présentant des fonctions immunosuppressives (Moodycliffe et al, 2000).
• En induisant une photo-isomérisation de l’acide trans-urocanique en acide cis-urocanique qui présente une activité immunosuppressive (De Fabo et Noonan, 1983 ; Moodycliffe et al, 1992 ; Moodycliffe et al, 1996) ; l’acide cis-urocanique agirait en se liant au récepteur 5HT-2A de la sérotonine (Walterscheid et al, 2006) ; l’acide cis-urocanique activerait les terminaisons nerveuses cutanées qui en relargant des neuropeptides induiraient la dégranulation des mastocytes dermiques (Hart et al 2002)
• En déclenchant la secrétion, par les kératinocytes , de nombreux médiateurs solubles, en particulier l’IL-10, le TNF-alpha (Moodycliffe et Norval, 1994), la MSH (melanocyte stimulating hormone), la pro-opio-mélanocortine et le PGE2 qui ont des activités immunosuppressives
• En agissant sur l’ADN des cellules qui est le principal chromophore des UV et en provoquant la production de dimères de pyrimidine qui induisent la sécrétion de cytokines immunosuppressives et inhibent les réactions d’hypersensibilité de contact .
• En induisant la dégranulation des mastocytes dans le derme , l’histamine libéré exerçant un effet inhibiteur sur les réactions d’hypersensibilité de contact. Il y a une corrélation positive entre la densité des mastocytes dans une peau humaine non exposée au soleil et le risque de développement d’un mélanome ou d’un carcinome basocellulaire (pour une discussion détaillée sur ce sujet voir (Ullrich et Byrne, 2010).
• En induisant la migration, du derme vers l’épiderme , de macrophages CD11b+ qui vont également secréter de l’IL-10
• En provoquant la libération de monoxyde d’azote et de CGRP (Calcitonin Gene-Related Peptide) par les fibres nerveuses épidermiques ; CGRP va inhiber la présentation antigénique par les cellules de Langerhans qui sont étroitement associés à ces fibres.
II. UV et cancer
Ce sont les travaux pionniers de Kripke et al. qui ont montré que le rayonnement UV par ses propriétés immunosuppressives diminue la capacité de surveillance vis‐à‐vis des tumeurs (pour revue voir Kripke, 2013). Ils montraient que les tumeurs induites chez la souris par de fortes doses d’UVB étaient extrêmement immunogènes puisqu’elles étaient rejetées après transplantation chez des souris syngéniques ; elles ne pouvaient être transplantées que chez des hôtes immunodéprimés (Kripke, 1974).
Par la suite, la même équipe montrait que la croissance des tumeurs induites par les UV n’était possible qu’en raison d’une altération systémique de la réponse immunitaire de leur hôte (Kripke and Fisher, 1976 ; Fisher et Kripke, 1977).
III. UV et hypersensibilité de contact
Les effets immunosuppressifs des UV furent également démontrés dans le modèle de l’hypersensibilité de contact chez la souris. Dans ce modèle, il apparut que rayonnement UV n’induit pas une immunosuppression générale mais inhibe des réactions immunitaires selon un processus spécifique d’un antigène.
Ainsi l’application d’un antigène sur une peau irradiée par les UV n’induit pas une sensibilisation à cet allergène mais, au contraire, provoque une tolérance à celui-ci. La souris ainsi traitée ne peut plus être sensibilisée contre cet allergène alors que la sensibilisation contre d’autres allergènes reste possible.
Cette immunosuppression spécifique de l’antigène est médiée par des lymphocytes T régulateurs ayant des fonctions immunosuppressives (Maeda et al, 2008).
Selon la dose d’UV appliquée, l’immunosuppression sera locale (à faibles doses) ou systémique (à fortes doses).
La tolérance systémique induite par de fortes doses d’UV peut être transmise par le transfert des splénocytes de la souris irradiée à une autre souris naive. L’implication de l’IL-10 dans l’immunosuppression systémique a été démontrée par l’utilisation d’anticorps anti IL-10 ou en utilisant des souris génétiquement déficientes pour le gène de l’IL-10.
Bibliography
Hart PH, Townley SL, Grimbaldeston MA, Khalil Z, Finlay-Jones JJ. Mast cells , neuropeptides, histamine, and prostaglandins in UV-induced systemic immunosuppression. Methods. 2002 ; 28:79–89.
Kripke, M.L. 1974. Antigenicity of murine skin tumors induced by ultraviolet light. J Natl Cancer Inst. 53:1333‐6.
Kripke, M.L., and M.S. Fisher. 1976. Immunologic responses of the autochthonous host against tumors induced by ultraviolet light. Adv Exp Med Biol. 66:445‐9.
Kripke ML. Reflections on the field of photoimmunology. J Invest Dermatol. 2013 Jan ;133(1):27-30.
Moodycliffe AM, Bucana CD, Kripke ML, Norval M, Ullrich SE. Differential
effects of a monoclonal antibody to cis-urocanic acid on the suppression of delayed and contact hypersensitivity following ultraviolet irradiation. J Immunol. 1996 Oct 1 ;157(7):2891-9.
Moodycliffe AM, Nghiem D, Clydesdale G, Ullrich SE. Immune suppression and skin cancer development : regulation by NKT cells. Nat Immunol. 2000 ; 1:521–5.
Michel Démarchez
Articles de cet auteur
Mots-clés
- acide urocanique
- cancer
- carcinome basocellulaire/carcinomes basocellulaires/CBC
- cellule de Langerhans/cellules de Langerhans
- coup de soleil
- dimères cyclobutaniques de pyrimidines/cyclobutane pyrimidine dimers/CPD
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