Biologie de la peau

Les lasers en dermatologie

lundi 3 décembre 2012 par Michel Démarchez

Le mot « LASER   » est l’acronyme de l’anglais « Light Amplification by Stimulated Emission of Radiation   » (amplification de la lumière par émission stimulée   de radiations).

Le laser est une source de rayonnement électromagnétique cohérent dans le temps et l’espace qui se caractérise par sa longueur d’onde et son mode d’émission continu ou pulsé. Les longueurs d’onde utilisées ont été, tout d’abord, celle des micro-ondes (on parle alors de MASER pour « Microwave Amplification by Stimulated Emission of Radiation »), puis celle des infrarouges, du visible, des UV  , et plus récemment des rayons X.

 1. Rappels sur l’interaction lumière matière

Pour expliquer le fonctionnement des lasers  , il convient de rappeler quelques principes de physique :

Un atome est composé d’un noyau fait de neutrons et de protons autour duquel tournent des électrons. Ces derniers sont répartis sur différentes couches ou orbites, chacune correspondant à un niveau d’énergie et contenant un nombre défini d’électrons.

Selon le principe de dualité onde‐corpuscule, le rayonnement électromagnétique peut être décrit de deux manières : c’est à la fois une onde électromagnétique caractérisée par une fréquence ν et une longueur d’onde λ, mais c’est également un flux de particules de masse nulle appelées photons se déplaçant dans le vide à une vitesse c (c ≈ 3.108 m.s-1). Ces deux modélisations sont liées par les lois suivantes :

Un atome peut globalement se trouver dans deux types d’état, un état stable, fondamental et un état « excité », instable, d’un niveau d’énergie plus élevé. Le passage pour un atome d’un état excité à un état stable se traduit par l’émission d’un quanta d’énergie et le phénomène inverse résulte en l’absorption d’un même quanta d’énergie. Ce quantum d’énergie correspond à un photon, caractérisé par sa longueur d’onde λ.

 2. Les modes d’interaction lumière/matière

Il existe 3 modes d’interaction lumière/matière :

-* L’absorption de l’énergie lumineuse par la matière : lorsqu’un photon rencontre un atome possédant un électron sur une orbite fondamentale, l’énergie de ce photon peut provoquer la transition de cet électron de son orbite atomique d’énergie E1 vers une orbite atomique d’énergie plus élevée E2, amenant ainsi l’atome à un état excité, instable. L’énergie véhiculée par ce photon correspond à la différence E2-E1.

-* L’émission spontanée de lumière par la matière : lorsqu’un atome est dans état excité, et donc instable par rapport à son état fondamental, il tend spontanément à retourner dans un état stable en émettant un photon dont l’énergie correspondra à la différence E2-E1.

-* L’émission stimulée   : lorsqu’un atome à l’état excité E2 reçoit un photon incident α d’énergie hν, correspondant à la différence de niveau intrinsèque E2-E1 (E1 étant le niveau d’énergie de l’atome à l’état fondamental), l’atome retourne au niveau E1 en émettant un photon β de même fréquence ; cette émission « déclenchée » par le photon incident constitue un exemple de transition provoquée à partir d’un état métastable vers un état stable : elle a donc été baptisée stimulée ou induite. Pour compléter le modèle, Einstein a émis l’hypothèse que ce phénomène était instantané, donc que le photon induit était en phase avec le photon incident, et enfin, que sa direction était également celle du photon incident.

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Interaction lumière/matière au niveau atomique
Il existe 3 modes d’interaction lumière/matière : l’absorption de lumière par la matière, l’émission spontanée de lumière par la matière ou l’émission stimulée de la lumière par la matière.

Ces principes décrits ici pour les atomes peuvent s’appliquer à des molécules mais les interactions moléculaires plus complexes et plus difficiles à décrire simplement ne seront pas exposées ici.

 3. Principe du laser

L’émission d’un faisceau laser est basée sur le principe de l’émission stimulée. Pour qu’un faisceau laser de qualité soit généré, il faut que l’émission stimulée l’emporte largement sur l’absorption et l’émission spontanée. Pour pouvoir émettre une multitude de photons identiques en direction et en longueur d’onde, il faut donc placer à chaque instant un nombre élevé de molécules dans un même état excité. Ceci peut être fait de manière continue ou pulsée. Cette condition aboutit à une inversion de population   puisqu’à l’équilibre thermodynamique « naturel », le pourcentage N1 d’atomes stables est très supérieur à celui N2 d’atomes excités et que, dans le cas des lasers, on cherche à produire une inversion dans les proportions excités/ stables de la population des atomes du milieu (N2>N1).

Le processus qui permet d’obtenir une inversion de population est appelé pompage et consiste à fournir de l’énergie à un milieu astucieusement choisi pour en exciter les molécules de ce dernier.

 4. Structure d’un laser

Un système laser est donc constitué :

-* D’un milieu amplificateur ou actif (solide, liquide ou gazeux) constitué des atomes ou des molécules potentiellement excitables dont la nature va déterminer la longueur d’onde précise du rayonnement qu’il émet.

-* D’un système de pompage qui fournit l’énergie au milieu pour exciter les atomes ; il peut faire appel à la lumière provenant de lampes flash ou d’autres lasers (pompage optique), au pompage nucléaire où les molécules du laser sont excitées au contact de particules énergétiques provenant de réactions nucléaires, au pompage chimique où l’énergie est fournie au milieu par des réactions chimiques exothermiques, au pompage électronique ou électrique qui est principalement employé dans les lasers à gaz et qui consiste en la collision des atomes du laser avec des électrons accélérés électriquement dans un tube de décharge gazeuse, ou en l’alimentation électrique en continu d’un semi-conducteur.

-* D’une cavité résonnante optique (également appelée résonateur optique) qui renferme le milieu amplificateur et le système de pompage et est composée à une extrémité d’un miroir à réflexion totale et à l’autre d’un miroir à réflexion partielle (de l’ordre de 95 à 98 %) ; il sert à démultiplier l’amplification du milieu amplificateur. Les photons produits par la désexcitation des atomes sont renvoyés dans le milieu actif par les miroirs qui se font face, continuant ainsi à désexciter d’autres atomes et à générer de nouveaux photons. Une faible partie de ces photons traversent le miroir semi-transparent pour former le faisceau laser.

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Structure schématique d’un laser

Pour illustration, voir #Video laser 50ans Bretagne

 5. Caractéristiques du rayonnement laser

Un faisceau laser est :

  • monochromatique = une seule longueur d’onde qui dépend de la nature du milieu amplificateur,
  • cohérent : l’émission des photons est ordonnée dans le temps (très long trains d’onde) et dans l’espace, deux points de la source placés orthogonalement à la direction de propagation produisent des vibrations lumineuses avec la même identité de phase,
  • unidirectionnel : avec donc une très faible divergence

-* et intense : même pour les lasers de faible puissance en raison de la directivité du faisceau qui peut être concentré sur de très petites surfaces.

 6. Effets d’un rayonnement laser sur les tissus

L’effet d’un laser sur un tissu est corrélé à l’énergie qu’il va délivrer au tissu (Ereçue) qui dépend de trois paramètres :

  • le temps d’exposition (Texpos)
  • la surface du spot (et donc le diamètre du faisceau)
  • la puissance de sortie délivrée (Plaser)

qui sont liés par les formules suivantes :

  • Irradiance = Plaser / Surface du spot en Watts/cm2
  • Fluence = Irradiance x Texpos en Joules/cm2
  • Ereçue = Plaserx Texpos en Joules
  • Ereçue = Irradiance x Surface du spot x Texpos en Joules

Les effets des lasers sur les tissus biologiques peuvent être de 4 types :

  • thermique
  • mécanique
  • photo-ablatif
  • photochimique

  6.1 L’effet thermique  

L’effet thermique résulte de la combinaison de 3 phénomènes :

-* la conversion de la lumière en chaleur, due à l’absorption de l’énergie photonique qui est convertie en agitation thermique des molécules cibles ou chromophores  . L’absorption est fonction du couple longueur d’onde du faisceau laser/ longueur d’onde absorbée par le chromophore. Voir le tableau ci-dessous :

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Chromophores biologiques cutanés et types d’UV absorbé

-* le transfert de chaleur essentiellement par conduction   de la source primaire de l’échauffement vers le tissu environnant ce qui crée un volume chauffé « secondaire » plus important. Ce volume secondaire est dépendant de la durée d’émission du laser et de la durée de relaxation thermique (= durée permettant une diminution de 50% de la température atteinte par la cible).

-* et la réaction tissulaire qui dépend de l’élévation de température induite, de la durée d’échauffement, et de la susceptibilité du tissu à une agression thermique.

L’action thermique du laser va induire 4 processus différents selon l’échauffement induit et sa durée :

-* l’hyperthermie, peu utilisée en pratique, correspond à une élévation modérée de la température, de quelques degrés, pendant un temps assez long, quelques dizaines de minutes. Ceci va perturber la machinerie cellulaire et provoquer l’apoptose (= mort cellulaire programmée) des cellules.

-*la coagulation   obtenue à une température comprise entre 50 et 100 °C, pendant une durée de l’ordre de la seconde ; elle induit une dénaturation des protéines qui aboutit à une nécrose irréversible sans destruction immédiate du tissu. On observe la dessiccation, le blanchiment et la rétraction du tissu qui sera éliminé, dans un second temps, par détersion, au cours du processus de cicatrisation  .

-* la volatilisation induite à des températures supérieures à 100°C, dans des temps très courts (1/10 de seconde), au cours de laquelle, le tissu est vaporisé. Une partie du tissu disparait donc et les bords de la plaie sont coagulés en raison du transfert progressif de chaleur entre la zone saine et la zone volatilisée. C’est ce phénomène périphérique de coagulation qui est responsable de l’effet hémostatique. Selon la surface de la zone traitée, on pourra soit induire une incision, soit détruire des tumeurs.

-* L’effet thermomécanique qui est obtenu lorsque la durée du tir laser est inférieure au temps de relaxation thermique du tissu traitée. Dans ce cas, il n’y a pas de diffusion thermique, la chaleur est accumulée localement provoquant finalement une vaporisation explosive de la cible.

 6.2 Les effets mécaniques

Les effets mécaniques sont obtenus avec des lasers déclenchés Nd :YAG qui émettent des impulsions extrêmement courtes, de l’ordre de la nanoseconde à la picoseconde sur de très petites surfaces, et qui provoque une onde de choc destructrice. Celle-ci est induite par la création d’un plasma (= état de la matière constitué de molécules chargées) du à l’ionisation des atomes et à la production d’un gradient de pression entre la zone ionisée et la zone périphérique. C’est, par exemple, ce qui se produit lors des séances de détatouage lors de la fragmentation des grosses molécules de pigment.

 6.3 L’effet photoablatif  

Pas recherché en dermatologie, l’effet photoablatif nécessite des photons très énergétiques (longueur d’onde inférieure à 300 nm), avec des impulsions extrêmement courtes (de 10 ns à 100 ns). Il induit une ablation pure du tissu sans lésion thermique. En raison des très courtes longueurs d’onde, le champ électrique associé à l’onde lumineuse est suffisamment puissant pour rompre les liaisons intermoléculaires et casser les composants tissulaires qui sont ainsi gazéifiés, sans libération de chaleur sur les berges.

 6.4L’effet photodynamique  

La thérapie photodynamique ou photochimiothérapie consiste à administrer par injection intraveineuse ou par application   locale un photosensibilisant puis à éclairer la zone à traiter avec une lumière de longueur d’onde absorbé par le photosensibilisant et adaptée pour pénétrer à la profondeur désirée (vert pour la surface et rouge pour des effets plus profonds).

 7. Les lasers en dermatologie

On distingue plusieurs types d’utilisation des lasers en dermatologie :

 7.1 Les lasers destinés au traitement des lésions vasculaires

Les lasers destinés au traitement des lésions vasculaires telles que les angiomes plans, les télangiectasies, les angiomes stellaires et les érythro-couperoses sont des lasers continus ou pseudo-continus :

-* les lasers à colorant pulsé (585 ou 590 nm) pour traiter les angiomes plans et l’érythrose pure du visage.

-* Le laser Nd:Yag (1064 nm ; rayon infra-rouge) pour le traitement des petites veines isolées des jambes.

-*Le laser KTP (532 nm ; rayon vert) pour les couperoses de la face

Le but de la séance est la destruction du vaisseau sanguin soit par éclatement des parois vasculaires, soit par coagulation de l’hémoglobine des globules rouges circulants à l’intérieur du vaisseau.

 7.2 Les lasers destinés au traitement des lésions pigmentaires

Les lasers destinés au traitement des lésions pigmentaires (taches café au lait, nævus d’ota, lentigines, éphélides) et au détatouage sont des lasers déclenchés de type :

-* Laser Alexandrite(755nm ; rayon rouge), actif sur les tatouages noirs, verts et bleus et moins sur les rouges

-* Laser à Rubis (695 nm ; rayon rouge), actif sur les tatouages verts, turquoises et noires

-* Laser Nd:Yag (1064 nm ; rayon infra-rouge) ou doublé en fréquence au moyen d’un cristal KTP (Potassium titanyl phosphate) pour émettre à 532 nm (rayon vert), son chromophore devenant le pigment rouge ; il est actif sur les couleurs noires et rouges mais sans action sur le vert et le bleu turquoise.

Les lasers déclenchés comportent un élément spécifique dénommé cellule de Pockels ou Q-Switch qui agit comme un obturateur et laisse uniquement passer des impulsions énergétiques extrêmement puissantes (de quelques dizaines à quelques centaines de Mégawatts) ultra-courtes (de l’ordre de quelques nanosecondes).

L’effet physique consiste en l’absorption des pigments bleus, noir, vert et en la fragmentation des pigments qui sont éliminés par la desquamation épidermique ou par la phagocytose par les macrophages  .

 7.3 Les lasers destinés à l’épilation

Les lasers destinés à l’épilation qui ciblent la mélanine   stockée dans les follicules pileux dans le but de détruire la matrice du poil pour permettre une épilation définitive. Selon le phototype  , on utilisera des lasers différents. C’est le laser Alexandrite qui est le plus utilisé pour les peaux blanches car c’est à 755 nm (sa longueur d’onde) que les photons sont plus absorbés par les poils que par les autres structures cutanées. Pour les peaux foncées, on emploiera, le laser Nd :YAG.

 7.4 Le laser CO2

Le laser CO2 émet un faisceau dont la longueur d’onde (10,6 um ; infrarouge lointain) est très absorbée par l’eau et peu par la mélanine et l’hémoglobine. Il est essentiellement utilisé pour ses capacités de photo-section et de photo-ablation qui correspondent aux deux modes d’utilisation qu’il permet :

-* Le mode focalisé avec un faisceau très étroit (de quelques dixièmes de millimètres de diamètre) et très puissant utilisé pour inciser par une vaporisation instantanée de l’eau des tissus ; c’est une sorte de « bistouri optique »

-*Le mode défocalisé avec un faisceau moins puissant mais plus large (de quelques mm de diamètre) qui va également détruire les tissus par vaporisation de l’eau mais sur une zone plus étendue et moins profonde. Ce mode n’est pas indiqué lorsque l’examen anatomo-pathologique de la pièce d’exérèse est nécessaire.

Ses indications potentiellement larges recouvrent l’exérèse ou la destruction de l’ensemble des tumeurs dermo-épidermiques bénignes, éventuellement virales, non néoplasiques, le traitement des rides (avec un laser CO2 ultrapulse), pour traiter les cicatrices d’acné ou post-traumatiques

 Bibliographie

Les quatre mécanismes d’interaction laser - tissus vivants J. M. Brunetaud

Video laser 50ans Bretagne


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