Biologie de la peau

La phase vasculaire de la cicatrisation cutanée

• L’hémostase primaire, la coagulation et la fibrinolyse
samedi 19 avril 2014 par Michel Démarchez

La phase vasculaire est la réponse immédiate de l’organisme lors du processus de cicatrisation   d’une plaie cutanée. Elle a essentiellement pour but l’arrêt du saignement également dénommé hémostase  . Elle s’accompagne d’une vasoconstriction rapide qui favorise l’hémostase. Le sang qui s’est échappé des vaisseaux lésés vers le tissu endommagé va coaguler et former la croute qui va isoler provisoirement le tissu cutané lésé de l’environnement.

Lorsque la plaie cutanée touche le derme  , les vaisseaux sanguins sont atteints et il y a un saignement dans la plaie qui doit être stoppé le plus rapidement possible ; c’est le rôle de l’hémostase   qui comporte 3 étapes principales  :

L’hémostase primaire qui se déroule en 3 temps, Le spasme vasculaire  , l’adhésion plaquettaire et l’agrégation plaquettaire pour aboutir à la formation du clou plaquettaire (=thrombus blanc)

• La coagulation   ou hémostase secondaire qui va renforcer le clou plaquettaire par la production du caillot sanguin composé de globules rouges et autres cellules sanguines emprisonnés dans un réseau de fibrine  

• La fibrinolyse   qui a pour but d’empêcher l’extension du caillot sanguin puis sa résorption en dégradant le réseau de fibrine.

 1. L’hémostase primaire

 1.1 Le spasme vasculaire

Les vaisseaux sectionnés ou déchirés dans la zone lésée vont se contracter immédiatement réduisant ainsi la perte de sang et favorisant l’accolement des surfaces endothéliales et l’interaction des plaquettes sanguines   avec l’endothélium lésé. Cette vasoconstriction locale est de faible durée (15 à 60 secondes) et va ralentir la fuite sanguine le temps que les autres réactions hémostatiques se mettent en place.

 1.2 La formation du clou plaquettaire

Les plaquettes sanguines jouent un rôle majeur dans l’hémostase. Ceux ne sont pas des cellules proprement dites mais des fragments cellulaires issues du bourgeonnement de grandes cellules appelées mégacaryocytes. Une plaquette est une portion de mégacaryocyte consistant en une vésicule composée d’une portion de cytoplasme enveloppée dans une partie de la membrane cellulaire.

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Les mégacaryocytes sont des cellules issues de la moelle osseuse, de la même lignée cellulaire que les globules rouges et les leucocytes. 1000 à 8000 plaquettes peuvent être générées à partir d’un mégacaryocyte. Les plaquettes ont une durée de vie de 8 à 10 jours et environ 200 milliards sont produites chaque jour chez un individu normal. On en trouve de 150 000 à 400 000 par ul de sang.

Dans une situation normale les plaquettes n’adhèrent pas à l’endothélium des vaisseaux parce que l’endothélium des zones saines produit de la prostacycline qui inhibe l’agrégation plaquettaire. Mais lors d’une atteinte vasculaire, elles vont entrer en contact avec le collagène   mis à nu des parois vasculaires et des tissus lésés.

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L’adhésion des plaquettes au collagène se fait par l’intermédiaire de la fibronectine et du facteur de von Willebrand issus du plasma et de l’endothélium des vaisseaux lésés. L’activation des plaquettes est causée par la liaison du facteur de von Willebrand à son récepteur GP Ib , ce qui induit leur adhésion et leur agrégation ainsi que le relargage de granules contenant de nombreux médiateurs, notamment le diphosphate d’adénosine. Ces substances vont induire l’expression de molécules d’adhésion à la surface des plaquettes circulant à proximité qui vont se coller aux premières plaquettes agrégées.L’agrégation se fait par l’intermédiaire du fibrinogène. Les GP IIbIIIa de surface vont changer de conformation et fixer le fibrinogène en présence de calcium. Le fibrinogène va établir des ponts entre les plaquettes provoquant une agrégation réversible qui sous l’action des enzymes et du contenu granulaire libérés par les plaquettes va se stabiliser sous une forme irréversible. Cet empilement de plaquettes va constituer le clou plaquettaire qui va former une barrière physique obturant les vaisseaux lésés et créant une barrière provisoire à la surface de la plaie. Les plaquettes vont produire des agents vasoconstricteurs qui amplifient le spasme vasculaire et libérer des substances facilitant la formation du caillot sanguin.

 2. La formation du caillot sanguin

Le caillot sanguin englobe le clou plaquettaire, le renforçant et colmatant encore plus solidement la brèche vasculaire. Il est formé de globules rouges et autres cellules sanguines incluses dans un réseau composé majoritairement de fibrine mais également de fibronectine plasmatique, de thrombospondine, et de vitronectine (=thrombus rouge).

La coagulation nécessite la présence de cellules, notamment les cellules endothéliales, les monocytes et les fibroblastes   qui sont capables d’exprimer le facteur tissulaire (FT), sous l’action de diverses cytokines ou de facteurs physico-chimiques. Les plaquettes et les fibroblastes vont également secréter un certain nombre de facteurs qui peuvent amplifier la coagulation.

La production du caillot de fibrine résulte d’une cascade de réactions impliquant les facteurs de coagulation du plasma et dont l’étape finale est la conversion du fibrinogène, une protéine plasmatique soluble produite par le foie, en fibrine, une molécule filamenteuse insoluble. Cette transformation est catalysée par la thrombine  , une enzyme activée au niveau de la lésion. La thrombine existe sous une forme inactive, la prothrombine qui sera rendu active sous l’action d’un autre facteur de coagulation, le facteur X, également présent dans le plasma sous une forme inactive et devant également être activé. Et ainsi de suite, … (voir figure ci-dessous)

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La cascade de coagulation implique 12 facteurs plasmatiques pour aboutir finalement, sous l’action de la thrombine, à la conversion du fibrinogène en fibrine. A l’exception de ces deux derniers facteurs, la prothrombine et les autres précurseurs sont tous transformés en enzymes protéolytiques quand ils sont convertis sous leur forme active.

Suite à des observations in vitro, il était classiquement admis que cette cascade de coagulation peut être déclenchée par la voie intrinsèque qui déclenche la coagulation dans un vaisseau lésé ou la voie extrinsèque qui est initiée lors d’une lésion tissulaire par des facteurs tissulaires et aboutit à la coagulation du sang qui s’est déversé dans les tissus par la brèche vasculaire. Ces deux voies se déroulent habituellement ensemble dans le cas d’une lésion cutanée

• La voie intrinsèque implique des facteurs sanguins et comporte 7 étapes (voir schéma ci-dessous), la première consistant en l’activation du facteur XII (=facteur de Hageman) lorsque celui-ci entre en contact avec le collagène dénudé d’un vaisseau lésé. Le déclenchement de la cascade de coagulation et la formation du clou plaquettaire sont donc concomitantes.

• La voie extrinsèque est plus courte, ne comportant que 4 étapes, la thromboplastine (= facteur III), un complexe protéique produit par le tissu agressé, activant directement le facteur X et court-circuitant ainsi les étapes antérieures de la voie intrinsèque.

Plus récemment, il a été montré que, in vivo, l’élément déclenchant de la coagulation est le facteur tissulaire (FT) qui est le récepteur membranaire de très haute affinité pour le facteur VII (pour plus de détails, voir L’hémostase). Lors d’une brèche vasculaire, FT qui est exprimé à la surface des cellules musculaires lisses de la paroi vasculaire et des fibroblastes rentre en contact avec le sang et active le facteur VII via son récepteur. Si il est en excés, le facteur VII activera directement le facteur X, si il est en plus faible quantité, le complexe [FT-Facteur VII] activera le facteur IX, qui en présence de son cofacteur, le facteur VIII, activera le facteur X, qui induira la transformation de la prothrombine en thrombine.

Lorsque le caillot est formé, les plaquettes emprisonnées vont induire une rétraction du réseau de fibrine, ce qui va provoquer un rapprochement des bords de la lésion. Durant ce phénomène de contraction, du liquide est expurgé ; celui-ci, dénommé sérum, est du plasma sans les précurseurs des facteurs de coagulation et sans le fibrinogène qui ont été convertis pendant la coagulation.

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Au niveau de la plaie dermo-épidermique, le caillot de fibrine, le contenu de l’exsudat inflammatoire ainsi que l’épiderme   et le derme immédiatement adjacent à la plaie vont se déshydrater pour former, en quelques heures, une croûte inerte qui protège contre l’environnement extérieur en prévenant une plus grande déshydratation du tissu non lésé et en limitant la contamination microbienne. On observe donc une zone nécrotique au pourtour et en profondeur de la plaie dont l’étendue varie selon les conditions environnementales, moins étendue en présence d’un pansement occlusif qui conserve l’humidité et plus profonde lorsque la plaie est déshydratée par un jet d’air. La croûte sera par la suite éliminée lorsque l’épiderme se sera reconstruit sous elle. L’élimination d’une partie du derme avec la croûte sera à l’origine, par la suite, d’une légère dépression de la peau au niveau de la zone cicatrisée.

 3. La fibrinolyse

La fibrinolyse a pour but d’empêcher l’extension du caillot sanguin puis sa résorption en dégradant le réseau de fibrine. L’acteur principal de la fibrinolyse est le plasminogène qui est une substance circulante du sang synthétisée dans le foie. Le plasminogène va se transformer en plasmine sous l’action de différents facteurs. La plasmine est une enzyme protéolytique très puissante qui a la capacité de dégrader le réseau de fibrine et de détruire le fibrinogène ainsi que d’autres facteurs de coagulation.

Le plasminogène est activé en plasmine sous l’action de deux types d’activateurs :

- L’activateur du plasminogène (tPA) principalement synthétisé par les cellules endothéliales au niveau de la lésion.

- L’urokinase produite au niveau du caillot sanguin, à partir de la pro-urokinase synthétisée par les cellules rénales et autres cellules parenchymateuses.

Deux types d’inhibiteurs régulent la fibrinolyse :

- L’alpha 2 macroglobuline et l’alpha 2 antiplasmine qui sont des inhibiteurs de la plasmine

- Le PAI-1 et le PAI-2 qui sont respectivement des inhibiteurs le premier, du tPA et le deuxième,de l’urokinase.

En l’absence de fibrine, le plasminogène et la pro-urokinase circule sous la forme de pro-enzymes inactives ou peu actives et le t-PA reste lié à son inhibiteur PAI-1. Par contre, dès que des traces de fibrines sont produites, les cellules endothéliales vont libérer du t-PA qui a une forte affinité pour la fibrine et va induire la transformation du plasminogéne en plasmine.De même en présence de fibrine, la pro-urokinase est activée en urokinase. Sous l’action de ces deux enzymes produites exactement au niveau du caillot de fibrine, celui-ci sera progressivement dégradé, en produits de dégradation divers dénommés PDF (pour Produit de Dégradation de la Fibrine). La plasmine libérée dans la circulation sanguine est rapidement neutralisée par l’alpha 2 macroglobuline et l’alpha 2 antiplasmine, ce qui limite son action au niveau du caillot sanguin.

Tout au long de l’hémostase, il y a un équilibre permanent entre la coagulation et la fibrinolyse. Le but ultime de la fibrinolyse est de dissoudre le caillot sanguin, lorsque la réparation du tissu est achevée.

 Bibliographie

Pour revue :

PHYSIOLOGIE DE L’HÉMOSTASE. J. F. Schved

L’hémostase

Pour bibliographie étoffée

Thèse de Mathieu Schaff


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