Décrites par Paul Langerhans en 1868, les cellules de Langerhans sont des cellules dendritiques qui ont un aspect clair dans les coupes histologiques en paraffine. Elles constituent deux à trois pour cent de la population cellulaire épidermique et sont préférentiellement situées en position suprabasale dans l’épiderme ; elles peuvent être mises en évidence par une réaction histochimique qui, en détectant l’activité de l’adénosine triphosphatase (ATPase), révèle dans les épidermes isolés un réseau de cellules dendritiques correspondant aux cellules de Langerhans .
Les principaux critères ultrastructuraux qui permettent d’identifier une cellule de Langerhans sont : un cytoplasme clair sans tonofilaments, ni mélanosomes , la présence d’un organite cytoplasmique caractéristique, le granule de Birbeck, en forme de raquette ou de batonnet (voir figure ci dessous) un noyau lobulé avec des circonvolutions, et l’absence de desmosomes .
Dans nos travaux, nous avons utilisé l’anticorps monoclonal OKT6 préparé contre des thymocytes humains, qui réagit spécifiquement avec les cellules de Langerhans humaines. Les cellules de Langerhans exprimant à leur surface des protéines de classe II du complexe majeur d’histocompatibilité, elles peuvent être également marquées avec un anticorps monoclonal anti-HLA-DR. Toutefois, ce dernier critère n’est pas spécifique des cellules de Langerhans puisque des cellules épidermiques dites indéterminées, qui ressemblent aux cellules de Langerhans, mais ne contiennent pas de granules de Birbeck, expriment également à leur surface les antigènes de type HLA-DR.
En accord avec les travaux de Krueger et al. et en utilisant ces techniques d’histochimie, de microscopie électronique, et d’immunohistologie, nous avons pu montrer que les cellules de Langerhans humaines se maintiennent dans la peau greffée. Bien que le nombre de cellules de Langerhans diminue dans les premières semaines après la greffe, il redevient pratiquement normal, un mois après la greffe et reste stable ensuite.
L’observation selon laquelle les cellules de Langerhans humaines se maintiennent dans l’épiderme greffé, nous amena à aborder l’étude d’un aspect important mais méconnu de leur biologie, à savoir leur capacité de proliférer au sein de l’épiderme. L’intérêt que nous portions à ce problème provenait de la publication d’expériences réalisées par l’équipe de S. Katz. Dans ces expériences, des souris sont exposées à des rayonnements X très intenses qui induisent, chez ces animaux, la destruction des cellules souches de la moelle osseuse. Une greffe de moelle osseuse de souris allogénique à une souris irradiée aboutit à l’apparition de cellules de Langerhans du donneur dans l’épiderme de cette souris. Ces expériences semblaient donc indiquer que les cellules de Langerhans représentent une population de cellules en transit dans l’épiderme et qui sont constamment renouvelées à partir de cellules souches de la moelle osseuse. Dans la peau humaine transplantée sur la souris « nude », nous nous trouvions dans une situation opposée de celle des expériences de S. Katz, puisque la population de cellules de Langerhans semblait se maintenir en l’absence de renouvellement à partir d’une source externe à la peau greffée. De plus, il était connu, grâce à des expériences faites par J Czerniewlevski et al. que les cellules de Langerhans isolées à partir d’épiderme humain se trouvent à différentes phases du cycle cellulaire. Il semblait donc intéressant d’étudier si les cellules de Langerhans sont capables de proliférer au sein de l’épiderme.
Nous avons, en premier lieu, cherché à savoir si les cellules de Langerhans de la peau transplantée synthétisent de l’ADN. Pour cela, nous avons injecté à des souris porteuses de greffon de peau humaine, de la bromodeoxyuridine (BrdU) qui est un analogue de la thymidine et qui s’incorpore à sa place dans l’ADN des cellules en phase de synthèse. Puis, pour détecter les cellules qui ont fabriqué de l’ADN après l’injection, nous avons utiliséun anticorps monoclonal anti-BrdU couplé à la fluorescéine. Mais comme nous nous intéressions uniquement aux cellules de Langerhans et que d’autres cellules, en particulier les kératinocytes synthétisaient également de l’ADN, nous avons réalisé un double marquage avec OKT6 pour repérer les cellules de Langerhans et l’anti-BrdU pour détecter celle qui auraient incorporé du BrdU. L’observation d’un certain nombre de cellules de Langerhans contenant du BrdU nous démontra que les cellules de Langerhans de la peau humaine transplantée synthétisent de l’ADN.
Dans une seconde étape, nous avons cherché à savoir si toutes les cellules de Langerhans humaines de l’épiderme greffé synthétisent de l’ADN ou si cette propriété est limitée à une sous-population. Après injection de BrdU à des souris porteuses de greffons de peau humaine, toutes les 6 heures, pendant une longue durée (plus de 17 jours), 94% des cellules de Langerhans avaient incorporé du BrdU. Il est donc probable que la majorité des cellules de Langerhans entrent en phase de synthèse d’ADN dans la peau greffée. En réalisant des injections de BrdU pendant des périodes allant de 6 heures à plus de 17 jours, puis en comptant, à chaque stade, le nombre de cellules de Langerhans ayant incorporé du BrdU, nous avons pu, avec l’aide d’un modèle mathématique, déterminer les paramètres du cycle cellulaire des cellules de langerhans. Nous avons établi que la durée totale du cycle cellulaire d’une cellule de Langerhans est de l’ordre de 392 heures (16.3 jours) et que la durée de la phase S est de 12 heures.
Sachant donc que les cellules de Langerhans sont capables de proliférer dans l’épiderme, nous avons alors cherché à déterminer si cette activité prolifératrice pouvait être modulée par des agents exogènes. Pour répondre à cette question, nous avons traité, de deux manières différentes, des souris greffées : 1) en appliquant sur l’épiderme de la peau tranplantéee, du TPA, un promoteur de tumeur connu pour induire une hyperprolifération ou 2) en faisant une série de « strippings », ce qui consiste à arracher à l’aide d’une bande adhésive la couche externe de l’épiderme. Deux jours après l’un ou l’autre des traitements, nous avons pu constaté une augmentation du nombre de cellules de Langerhans ayant incorporé du BrdU par rapport à celui des peaux témoins non traitées. Cette augmentation était de 100 % après l’application de TPA et de l’ordre de 60% après les « strippings ». Ainsi, les cellules de Langerhans de la peau transplantée apparaissent capables de répondre à des stimulants de type chimique (TPA) ou mécanique ("strippings).
Toutefois, la démonstration que les cellules de Langerhans sont capables de synthétiser de l’ADN dans la greffe n’est pas une preuve absolue de leur capacité de se diviser. Il était également nécessaire de montrer qu’elles entrent en mitose. Comme le marqueur le plus constant des cellules de Langerhans est la présence du granule de Birbeck, nous avons utilisé les techniques de microscopie électronique à transmission pour essayer de voir des cellules de Langerhans en mitose avec des granules de Birbeck. Mais comme les cellules de Langerhans représentent seulement 2 à 3 % des cellules épidermiques et que les cellules en mitoses sont rares, la probabilité de les observer est très faible. Nous avons augmenté nos chances en utilisant des greffons de peau traités au TPA, ce qui devait augmenter le nombre de cellules de Langerhans en mitose. De plus, les souris avaient reçu, 5 heures avant le prélévement des transplants une injection de colchicine, qui bloque les cellules en métaphase. Sur 1000 cellules repérées sur des coupes semi-fines de tissu par leur position suprabasale et leur cytoplasme clair, quatre présentaient des figures de mitose. Observées au microscope électronique à transmission, ces cellules contenaient des granules de Birbeck et présentaient les caractéristiques de cellules en début de métaphase avec la condensation de la chromatine et l’absence de membrane nucléaire et de nucléole.
Ainsi, nous avons pu démontré que les cellules de Langerhans de la peau humaine transplantée sur la souris « nude » non seulement se maintiennent après la greffe mais sont également capable de proliférer à l’intérieur de l’épiderme humain et de varier ainsi leur densité en réponse à des stimuli externes. Le mécanisme de régulation qui détermine le nombre de cellules de Langerhans dans l’épiderme humain reste à définir mais nos expériences semblent indiquer qu’il est probablement purement cutané.
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