Biologie de la peau

Le modèle de la peau humaine greffée sur la souris « nude »

jeudi 30 décembre 2010 par Michel Démarchez

 La souris « nude »

Bien que reconnu, dès 1962, par N.R. Grist comme étant un nouveau mutant de type « hairless », la mutation « nude » ne fut décrite en détail qu’en 1966 par S Flanagan qui lui donna l’appellation de « nude ». En plus de l’absence presque complète de pelage, un faible taux de fécondité et une forte mortalité étaient observés à la fois chez les mâles et les femelles. Ce n’est qu’en 1968 que E Pantelouris rapporta, dans un article de la revue « Nature », que ces souris avaient un thymus très rudimentaire ou inexistant. C’est cette caractéristique unique qui rendit la souris « nude » athymique si populaire dans le monde scientifique particulièrement dans les domaines de l’immunologie et de la cancérologie.

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Souris « nude » athymique

L’intérêt soulevé par cette nouvelle mutation, était lié au rôle-clef que joue le thymus dans le fonctionnement du système immunitaire des vertébrés. en effet, les défenses spécifiques de l’organisme contre l’invasion d’antigènes étrangers sont assurées par deux types de cellules, les lymphocytes B responsables de la synthèse des anticorps, et les lymphocytes T. C’est dans le thymus que les lymphocyes T (T pour Thymus) sont « éduqués » à faire la distinction entre les cellules du soi et les cellules étrangères. A la suite de cet apprentissage, les lymphocytes T déclenchent une réponse immunitaire spécifique uniquement contre des cellules du « soi » infectées, cancéreuses, ou contre des cellules étrangères provenant d’un autre animal, par exemple. Les lymphocytes T sont donc les principaux responsables des rejets de greffe. Ainsi, l’absence de thymus chez la souris « nude » devait permettre la réalisation de greffes de tissus d’une autre espèce, et plus particulièrement de tissus humains.

J. Rygaard, en 1969, fut le premier à publier des travaux montrant que des greffes de peau de rat sur des souris « nude » n’étaient pas rejetées et restaient en place jusqu’à la mort du receveur. La possibilité de réaliser des greffes de peau d’une espèce différente fut, par la suite, largement confirmée par d’autres groupes de recherche à travers le monde. Ainsi, des fragments de peau provenant d’espèces ausi diverses que le hamster, le lapin, le chat, la poule , le pigeon, et même le lézard, et la grenouille furent greffés, avec succès, sur la souris « nude ». Toutefois, dans le cas des Reptiles et des Amphibiens, des signes très importants de dégénérescence furent observés.

En 1973, N.D. Reed et D.D. Manning rapportèrent, pour le première fois, que la peau humaine pouvait être transplantée sur la souris « nude » en conservant, après la greffe, ses caractéristiques histologiques. Ce résultat rendait cette technique très intéressante puisqu’elle allait permettre d’étudier la peau humaine en dehors de l’organisme. L’intérêt de ce modèle pour la dermatologie apparut encore plus clairement lorsque Krueger et al. montrèrent en 1975, que la peau humaine psoriasique gardait, après transplantation sur la souris nude, des caractéristiques de la peau malade. Ce résultat indiquait qu’il était possible d’étudier une maladie cutanée spécifiquement humaine, en dehors de l’organisme humain. Par la suite, la conservation par une peau pathologique des marqueurs spécifiques de la maladie fut retrouvée par Briggaman et al. dans d’autres types de maladies cutanées, tel que l’ichthyose lamellaire et l’hyperkératose épidermolytique. Une autre étape démontrant l’intérêt du modèle pour l’étude de la peau humaine fut franchie, de 1979 à 1981, lorsque Yuspa et al., puis Krueger et al. démontrèrent que la peau greffée était capable de répondre de façon sélective à l’application   topique de substances. Ainsi le TPA (12-o-tétradécanoyl phorbol acétate), un promoteur de tumeur, induisait une augentation de la prolifération cellulaire dans l’épiderme   transplanté et son effet hyperprolifératif pouvait être bloqué par un corticostéroide, le valérate de bétaméthasone. La réponse était, de plus, fonction de la dose appliquée. Cette observation démontrait que l’épiderme humain gardait, après transplantation, sa fonction de barrière et une capacité de proliférer modulable par des agents externes. Ainsi, il semblait possible de tester l’effet de diverses substances sur la peau humaine en dehors de l’organisme humain.

En 1982, date à laquelle j’ai commencé à m’intéresser à ce modèle, la peau humaine transplantée sur souris nude apparaissait donc être une méthode très séduisante pour étudier la biologie de la peau humaine puisqu’elle semblait conserver les caractéristiques histologiques et certaines des propriétés fonctionnelles qu’elles possédaient avant la greffe. Toutefois, il apparaissait nettement, à cette époque, que la validation de la technique était principalement basée sur des critères histologiques. En effet, il n’était pas établi dans quelle mesure, un certain temps après la greffe, les cellules de la peau transplantée provenaient du donneur ou de l’hôte. Un certain pourcentage de cellules de souris aurait pu migrer dans le transplant, le transformant ainsi en un tissu chimère présentant moins d’intérêt immédiat pour la recherche clinique. Pour évaluer ce paramêtre, nous avons utilisé la technique de coloration par immunofluorescence.


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