Biologie de la peau

La phase de prolifération et de réparation de la cicatrisation cutanée

Formation du tissu de granulation et reconstruction d’un néoderme
mardi 29 septembre 2015 par Michel Démarchez

Après fermeture des brèches vasculaires par des clous plaquettaires et de la plaie par la croute lors de la phase vasculaire de la cicatrisation puis nettoyage de la plaie lors de la phase inflammatoire, une nouvelle étape va démarrer pour colmater définitivement la brèche cutanée et réparer le tissu. Cette phase qui débute environ 4 jours après la création de la plaie est dite « phase de prolifération et de réparation ». Elle aboutit à la reconstruction de l’épiderme   au-dessus d’un tissu conjonctif transitoire, lieu de profondes et rapides transformations et dénommé, le tissu de granulation   ; celui-ci sera lui-même remodelé selon un processus assez lent en un néoderme  , lors d’une phase dite de remodelage.

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 1.Formation du tissu de granulation  

Durant cette phase précoce de reconstruction, un nouveau stroma conjonctif se forme à partir du 4e jour après la création de la plaie. Il est appelé « tissu de granulation » en raison de son apparence granulaire lorsqu’il est incisé, les granules correspondant aux nombreux vaisseaux sanguins qui le constituent. Lors de sa formation, on observe une migration concertée des macrophages  , des fibroblastes   et des vaisseaux sanguins au sein de la lésion.

 1.1 Les macrophages

Au cours de la cicatrisation  , les macrophages ont pour rôle majeur la détersion de la plaie, c’est-à-dire l’élimination des débris de cellules tuées ou endommagées et des microorganismes étrangers qui n’ont pas encore été détruits par les PMNs. Ils sont capables de survivre dans un milieu peu perfusé et sont attirés dans la plaie par chimiotactisme suite à la libération dans celle-ci de nombreux chimioattractants, chimiokines (LTB4, MCP, MIP 1a et 1b, RANTES), facteurs de croissance (PDGF, TGF-beta) libérés par les cellules déjà présentes sur le site, dérivés de la matrice extracellulaire   du derme   lésé (fragments de collagène  , d’élastine  , de fibronectine), dérivés des bactéries, ou protéines diverses (C5a, C5a desArg, fibrinopeptides, thrombine  ). Tout au long de leur activité détersive dans la plaie, les macrophages vont également libérer une pléiade de cytokines qui vont stimuler la migration et la prolifération des fibroblastes et la synthèse par ceux-ci d’une nouvelle matrice extracellulaire (= fibroplasie) et induire la formation de nouveaux vaisseaux sanguins (=néo-angiogénèse) qui vont apporter les nutriments et l’oxygène indispensables au métabolisme des cellules impliquées dans la reconstruction tissulaire.

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 1.2 La fibroplasie

Entre 1 et 4 jours après la création de la lésion, les fibroblastes situés dans la zone dermique préservée sous la croute vont entrer en apoptose et disparaitre, laissant en place la matrice extracellulaire. Puis, des fibroblastes en provenance de la zone non lésée vont migrer au sein de la matrice extracellulaire de la zone lésée et construire un tissu de granulation à sa surface sous la croûte cicatricielle.

 1.2.1 Origine des cellules fibroblastiques du tissu de granulation

La vision classique concernant l’origine des cellules fibroblastiques du tissu de granulation est que ces cellules sont recrutées localement à partir de cellules mésenchymateuses non différenciées du tissu intact autour de la lésion (Desmoulière et al, 2005). Nos expériences concernant la cicatrisation de la peau humaine   transplantée sur la souris nude après création d’une plaie superficielle montraient toutefois que dans ce modèle, les cellules du tissu de granulation n’étaient pas recrutées à partir du pool de cellules humaines de la peau humaine non lésée mais étaient d’origine murine (#Démarchez et al, 1987 ; #Rossio-Pasquier, 1999). Elles pouvaient donc être issues des fibrocytes   à partir des vaisseaux non lésés de souris. Les fibrocytes représentent une population de cellules leucocytaires issues de la moelle osseuse présentant des caractéristiques fibroblastiques (#Abe et al, 2001). Des expériences plus récentes de transplantation de moelle osseuse issue de souris males à des souris femelles et de détection du chromosome Y par hybridation in situ ou de souris transgéniques exprimant une protéine fluorescente verte à des souris normales irradiées ont démontré qu’une forte proportion (30 à 50%) des myofibroblastes de la plaie avait une origine fibrocytaire (#Mackinnon et Forbes,2013).

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Origine et composition du tissu de granulation au cours de la cicatrisation de la peau humaine greffée sur la souris nude :
Dans ces 4 figures, 7 jours après la création de la plaie, les immunomarquages faits avec les anticorps spécifiques d’espèce dirigés contre la vimentine ou le collagène de types I de souris ou humain, démontrent clairement que le tissu de granulation n’est pas produit par des cellules d’origine humaine mais par des cellules de souris qui vont produire, en son sein, du collagéne de type I. Les antigènes détectés par les anticorps apparaissent en jaune-vert et l’ensemble du tissu est soit pour les marquages de la vimentine contrecoloré en rouge par le bleu Evans, soit pour les marquages du collagène de type I non contrecoloré.

 1.2.2 Migration et prolifération des fibroblastes

Le recrutement des fibrocytes est dépendant du chimiotactisme exercé par les médiateurs biochimiques (dérivés du C5a, PDGF, FGF, LTB4, TGFbéta, et IL1) secrétés au sein de la zone lésée majoritairement par les plaquettes sanguines  , les mastocytes  , les macrophages et certains lymphocytes. D’autres facteurs environnementaux, tels que la pression partielle en oxygène et des éléments de la matrice extracellulaire vont également guider la migration des cellules. Le centre de la plaie et sa surface ne sont plus ou peu vascularisés et ont donc une faible pression partielle en oxygène par rapport à la périphérie plus richement irriguée ; on parle d’ischémie qui entraine une hypoxie. Les cellules fibroblastiques vont migrer des régions les plus oxygénées vers celles les plus pauvres en oxygène.

Lors de la création de la plaie et de la rupture du tissu dermique, de nombreux éléments de la matrice extracellulaire vont être libérés. Parmi ces composants, on notera les collagènes de type I et III, des peptides riches en hydroxyproline, des sulfates d’héparane, de l’acide hyaluronique  , des laminines, et de la fibronectine. Cette dernière qui est secrétée par les macrophages, les cellules endothéliales, les fibroblastes et les cellules épidermiques et qui est présente dès la phase hémostatique du processus de cicatrisation joue un rôle majeur dans la migration des fibroblastes qu’elle stimule et dans l’attachement des cellules à la matrice extracellulaire. L’interaction entre le sulfate d’héparane et la fibronectine stabilise l’adhésion des cellules à la matrice alors que celle du sulfate de chondroitine avec la fibronectine va la fragiliser. Le sulfate de chondroitine produit par les cellules en cours de migration, en se liant aux fibronectines de la matrice extracellulaire mais pas au cytosquelette cellulaire, empêche une stabilisation de l’adhésion de ces cellules au substrat et facilite ainsi leur migration.

La fibrine   présente en grande quantité dans la zone lésée peut perturber la migration des fibroblastes alors qu’en quantité physiologique, elle sert de support à la réparation fibroblastique. La fibrinolyse   est assurée par les cellules endothéliales des néo-capillaires produits lors de la néo-angiogenèse qui accompagne la migration des fibroblastes.

L’acide hyaluronique qui est présent en grande quantité dans la zone cicatricielle facilite par ses propriétés hydrophiles la migration des cellules en préservant une forte hydratation de la matrice extracellulaire et en maintenant les cellules dans un phénotype peu différencié propice à la migration.

La migration des cellules fibroblastiques au sein de la matrice extracellulaire de la zone cicatricielle, se fait par le détachement des cellules de leur substrat par une protéolyse limitée et par leur attachement à un nouveau substrat par l’intermédiaire de divers systèmes de liaison. L’activation du plasminogène et donc la production de plasmine est l’élément central du phénomène de protéolyse limitée qui permet le déplacement des cellules. La protéolyse limitée est induite par le PDGF, L’EGF et le FGF qui est un inducteur de la production de l’activateur du plasminogène par les cellules endothéliales. Ces dernières vont produire la plasmine et les collagénases qui vont désagréger les membranes basales et autres éléments environnants de la matrice extracellulaire.

Après avoir migré au sein de la plaie, les fibroblastes vont proliférer et commencer à combler la perte de substance par la production de substance fondamentale et de collagène. Le principal activateur de la prolifération des fibroblastes est le PDGF (Platelet Derived Growth Factor) qui est secrété par les plaquettes sanguines et qui est également un chimio-attracteur ; c’est un mitogène uniquement pour les cellules mésenchymateuses auxquelles ils se fixent par l’intermédiaire de récepteurs membranaires de surface. D’autres facteurs similaires au PDGF seront ensuite produits lors de la phase de détersion par les macrophages, les cellules endothéliales et les cellules musculaires lisses des vaisseaux sanguins.

p align=justify>La prolifération des fibroblastes est également stimulée par l’IL1, le TGFbéta, le TGFalpha, l’EGF et le FGF. Le TGFbéta est secrété au niveau de la plaie par les plaquettes sanguines activées par la thrombine et par les lymphocytes. Le TGFalpha et l’EGF ont des activités similaires. Après fixation sur leurs cellules cible, ils vont induire une dédifférenciation de celles-ci leur permettant de proliférer. Les récepteurs de l’EGF sont présents sur un très grand nombre de cellules différentes et, dans la peau, en particulier, sur les kératinocytes  , les fibroblastes, les cellules musculaires lisses et les cellules endothéliales.

La synthèse de la matrice extracellulaire et de la matrice extrafibrillaire   (= substance fondamentale) qui va suivre la migration et la prolifération des fibroblastes, est dépendante d’une néo angiogenèse au sein de la plaie. Les néo capillaires sanguins vont apporter les nutriments et l’oxygène aux fibroblastes pour qu’ils synthétisent les éléments nécessaires à la reconstruction de la matrice extracellulaire du derme. Une pression partielle minimale en O2 de 20 mmHg est nécessaire pour permettre cette synthèse.

Les fibroblastes vont commencer par produire les composants de la matrice extrafibrillaire qui contient, entre autres, des glycosaminoglycannes, des protéoglycanes et de la fibronectine, et dont la composition est optimale 4 à 5 jours après la création de la plaie ; elle va permettre les interactions cellule-matrice, les mouvements cellulaires et le contrôle de l’environnement cellulaire en matière d’hydratation et d’équilibre ionique puis la synthèse de grande quantité de collagène de type I et III qui sont les principaux composants de la matrice extracellulaire ; elle va également avoir un rôle dans l’agrégation et l’orientation des fibres de collagène. La synthèse de collagène va être importante pendant 10 à 12 jours puis ralentira ensuite.

Le TGFbéta et le FGF principalement et à un moindre degré, l’EGF et le PDGF synthétisés par les macrophages, les cellules endothéliales et les fibroblastes sont les activateurs de la synthèse de collagène par les fibroblastes.

Cette intense activité des fibroblastes dure environ 3 semaines Au fur et à mesure que la matrice extracellulaire s’accumule, le nombre de fibroblastes va diminuer. Un équilibre entre synthèse de collagène et collagénolyse va s’établir. Le tissu de granulation tout d’abord riche en cellules et très vascularisée va progressivement évoluer en un tissu mature fibreux, pauvre en cellules et peu vascularisé.Ce tissu va ensuite être lui même remodelé en un néoderme  .

 1.3 La néo-angiogenèse

Afin que les fibroblastes et les kératinocytes puissent reconstruire le derme et l’épiderme   détruit, il est nécessaire que soit acheminés, dans la zone en reconstruction, l’oxygène, le glucose les acides aminés, les vitamines, et autres nutriments. L’ensemble de ces facteurs sera transporté par les néo-capillaires formés à partir des vaisseaux sanguins situés à la périphérie de la plaie ; ce processus est dénommé néo-angiogenèse.

Les macrophages qui ont migré au sein de la lésion, jouent un rôle majeur dans l’induction de cette néo-angiogenèse en libérant de l’IL1 et du TNFalpha. Cette libération est activée par la faible pression partielle en O2 au niveau de la lésion. L’introduction expérimentale de macrophages dans la lésion avant leur apparition naturelle, induit une néo-angiogenèse plus précoce.

Un autre élément va également être à l’origine du déclenchement de la néo-angiogenèse ; c’est le contact direct des cellules endothéliales avec les composants de la matrice extracellulaire du derme. Lorsqu’elles sont en contact avec une membrane basale intacte, les cellules endothéliales ne se multiplient pas et ne migrent pas tout en restant métaboliquement actives. Lors de la phase inflammatoire de la cicatrisation, les cellules endothéliales sont activées par l’histamine   et la sérotonine produits par les mastocytes et vont secréter de l’activateur du plasminogène, de la plasmine et des collagénases qui vont dégrader les membranes basales des vaisseaux sanguins ; elles vont alors entrer en contact direct avec les composants de la matrice extracellulaire du derme et ce contact va induire leur migration et leur prolifération.

Le VEGF joue également un rôle majeur dans la néo-angiogenèse et sa production est amplifiée par le PDGF et le TNFalpha. Parmi les autres facteurs angiogéniques produits au sein de la plaie par les fibroblastes, les kératinocytes et les macrophages, on notera le FGFbéta, l’EGF, le TNFalpha et le TGFbéta

Le gradient en O2 au niveau de la plaie est un autre facteur important dans la stimulation de l’angiogenèse car s’il est expérimentalement supprimé, la néo-angiogenèse est inhibée.

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Lors du processus d’angiogenèse, la migration des cellules endothéliales précède la prolifération d’environ 24h. Les cellules en cours de prolifération sont localisées en retrait du front de migration. Migration et prolifération en retrait des cellules endothéliales génèrent des bourgeons capillaires et forment une structure tridimensionnelle avec une cavité centrale. L’environnement matriciel local joue un rôle majeur dans l’apparition de cette structure. Il a été montré que des cellules endothéliales cultivées in vitro sur du collagène de type I et III vont former des monocouches alors qu’elles formeront des structures tubulaires en présence de collagène de type IV ou V.

 1.4 La rétraction de la plaie

La contraction de la plaie est un processus qui débute environ une semaine après la création de la lésion lorsque le tissu de granulation a comblé l’ensemble de la lésion et que la réépidermisation est achevée. Elle se déroule donc sous l’épiderme néoformé et a pour but de rapprocher les bords de la plaie pour diminuer sa surface par un mouvement centripète de la peau environnante dans toute son épaisseur. Elle joue un rôle majeur dans le cas des plaies présentant d’importantes pertes de substance (= cicatrisation de 2e intention). Elle progresse selon un rythme relativement constant de 0.5 à 0.7 mm/jour.

L’explication du phénomène de contraction de la plaie a fait l’objet de plusieurs théories mais résulte probablement de la mise en place de plusieurs mécanismes complémentaires, les deux majeurs étant la rétraction sous l’action de cellules spécialisées, les myofibroblastes et la compaction des fibres de collagène tractées par les fibroblastes.

 1.4.1 Les myofibroblastes

Les myofibroblastes ont été décrits pour la première fois en 1867 par J. Cohnheim, et dénommés « éléments cellulaires contractiles ». Ce sont des cellules mésenchymateuses au phénotype hybride, entre fibroblaste et cellule musculaire lisse, possédant un cytosquelette d’α-actine des muscles lisses (α-Smooth Muscle Actin, α -SMA) et synthétisant des composants de la matrice extracellulaires en excès. En microscopie électronique, ces cellules ont un réticulum endoplasmique granuleux ainsi qu’un appareil de Golgi très développés en rapport avec leur fonction de synthèse élevée des composants matriciels, des myofilaments périphériques pour leur fonction contractile, des Gap jonctions entre elles leur permettant de communiquer les unes avec les autres ce qui permet de synchroniser leur contraction et des liaisons avec la matrice extracellulaire dénommées « fibronexus ». Ces caractéristiques aboutiraient à la création d’un micro-organe contractile qui en se contractant permettrait la contraction de la plaie #Hinz, 2007.

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Marquage en immunofluorescence indirecte de la fibronectine et de l’actine du tissu de granulation, 7 jours et 3 semaines après création de la plaie au centre d’un greffon de peau humaine sur la souris nude.
On peut observer qu’à 7 jours après création de la plaie, le tissu de granulation est riche en fibronectine et en cellules positives pour l’actine alors qu’à 3 semaines, le marquage pour la fibronectine est plus diffus et celui pour l’actine est limité au vaisseaux sanguins et à l’épiderme.

Les myofibroblases sont issus de la transformation réversible de fibroblastes qui est dépendante de la tension à laquelle ces cellules sont soumises. In vivo, les fibroblastes peuvent contenir de l’actine dans leur cortex mais elles ne contiennent pas de fibres de stress et ne forment pas de complexes d’adhésion de type « fibronexus » avec la matrice extracellulaire. Au cours de la cicatrisation, la différenciation des fibroblastes en myofibroblastes se feraient en deux étapes (voir figure : le modèle en deux étapes de la différenciation du myofibroblaste) [#Tomasek et al, 2002) :

(1) lors de leur migration au sein de la plaie, les fibroblastes vont répondre aux changements dans la composition, l’organisation et les propriétés mécaniques de la matrice extracellulaire et aux cytokines libérées par les cellules inflammatoires en exprimant de novo des faisceaux de filaments contractiles sous la forme de fibres de stress contenant l’actine et qui se terminent par des complexes d’adhésion appelés fibronexus ; on dénomme ces fibroblastes activés, proto-myofibroblastes.

(2) sous l’augmentation du stress mécanique, les proto-myofibroblastes vont ensuite se transformer en myofibroblastes en exprimant de novo l’ α –SMA. La production d’ α -SMA est contrôlée par l’action conjointe du TGFb1, de protéines spécialisées de la matrice extracellulaire telles que le variant d’épissage de la fibronectine, ED-A FN et par l’action mécanique micro environnementale. L’ α –SMA en s’incorporant dans les fibres de stress augmente fortement l’activité contractile des cellules fibroblastiques et déclenche la phase contractile du remodelage tissulaire.

 1.4.2 La compaction du collagène

Les fibroblastes et les myofibroblastes synthétisent de grandes quantités de collagène principalement de type I et III au sein de la plaie. En histologie ou en microscopie électronique, on observe que les fibres de collagène au sein du tissu de granulation mature sont organisées très régulièrement en faisceaux parallèles à la surface cutanée. L’hypothèse émise par (#Ehrlich et Hunt en 2012) est que les microfilaments cytoplasmiques des fibroblastes liés aux fibres de collagène par l’intermédiaire des fibronexus tractent celles-ci à la surface de la cellule mettant les fibres de collagène au contact les unes avec les autres ; celles-ci s’auto assembleraient ensuite en faisceaux réguliers produisant des fibres de collagène plus épaisses organisées le long des axes de traction. Ce phénomène expliquerait la compaction du tissu, sa stabilisation et son organisation.

 2. Formation du néoderme

Lorsque la plaie s’est rétractée, les myofibroblastes vont entrer en apoptose et le tissu de granulation devient un tissu essentiellement composé de fibres de collagène de type I et III organisées en faisceaux parallèles à la surface épidermique avec une faible densité de fibroblastes. Une nouvelle vague de fibroblastes issus de la zone non lésée vont alors migrer au sein de ce tissu pour le remodeler en un néoderme.

Ce processus en deux étapes a pu être démontré en utilisant le modèle de la peau humaine transplantée sur la souris nude .Ainsi, en étudiant la cicatrisation de la peau humaine transplantée sur la souris "nude, après création d’une plaie dermo-épidermique au centre du greffon, nous avons observé que la peau humaine transplantée est capable de reconstruire les trois compartiments qui la constituent, c’est à dire l’épiderme, le derme, et la jonction dermo-épidermique  . De plus, l’utilisation des anticorps spécifiques d’espèce a permis de montrer qu’il était possible de dissocier clairement deux étapes dans la reconstruction du tissu conjonctif en montrant que le tissu de granulation est un tissu transitoire produit par des cellules également transitoires, les myofibroblastes, qui ne sont pas des cellules humaines issues du derme humain environnant non lésé. Le tissu de granulation sera finalement remplacé par un néoderme humain produit par des cellules humaines issues du derme voisin non lésé.

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Réorganisation du tissu de granulation en néoderme dans le modèle de la peau humaine transplantée sur la souris nude :
Dans ces figures, les anticorps utilisés pour ces marquages par immunofluorescence indirecte sont spécifiques des composants d’origine humaine et ne marquent pas ceux de souris. Les antigènes détectés par les anticorps apparaissent en jaune-vert et l’ensemble du tissu est coloré en rouge par le bleu Evans. On peut donc voir que, 6 semaines après la création de la plaie, l’épiderme reconstruit marqué par l’anticorps anti-HLA-ABC est humain alors que le tissu de granulation est négatif et donc d’origine murine. A ce stade, l’anticorps anti-vimentine humaine marque des cellules dans l’épiderme reconstruit mais pas encore dans le tissu de granulation sous—jacent ; ceux sont des mélanocytes humains et des cellules de Langerhans. A 9 semaines après la création de la plaie, on observe des cellules positives pour la vimentine humaine sous l’épiderme reconstruit ; ces cellules ont synthétisé du collagène de type I humain. Cela représente le début de la production du néoderme humain.

Par la suite, ce processus de reconstruction du tissu conjonctif dermique en deux étapes a pu être également démontré dans le même modèle mais en pratiquant des plaies n’impliquant qu’une partie superficielle du derme (#Rossio-Pasquier, 1999). Il est probable que c’est ce qui se produit dans le processus cicatriciel de la peau chez l’homme.

La reconstruction du néoderme semble débuter lorsque la réépidermisation à la surface du tissu de granulation et la rétraction de la plaie sont achevées, c’est à dire environ 3 à 6 semaines après la plaie. Elle commence par la migration de cellules fibroblastiques issues de la zone non lésée au sein la partie supérieure du tissu de granulation juste sous l’épiderme reconstruit. Puis, ces fibroblastes vont remodeler la matrice extracellulaire du tissu de granulation en la remplaçant par celle d’un tissu conjonctif néodermique moins rigide, plus élastique ; celui-ci est composé, entre autres, d’un réseau de fibres de collagène de type I et III , isolées et orientées le plus souvent perpendiculairement ou obliquement par rapport à la jonction dermo-épidermique et de fines fibres élastiques   néoformées. Cette réorganisation du derme est un processus long qui se compte en mois, voire en années.

 Bibliographie

Abe R, Donnelly SC, Peng T, Bucala R, Metz CN. Peripheral blood fibrocytes :
differentiation pathway and migration to wound sites. J Immunol. 2001 Jun
15 ;166(12):7556-62. PubMed PMID : 11390511.

Démarchez M, Hartmann DJ, Herbage D, Ville G, Pruniéras M. Wound healing of
human skin transplanted onto the nude mouse  . II. An immunohistological and
ultrastructural study of the epidermal basement membrane zone reconstruction and
connective tissue reorganization. Dev Biol. 1987 May ;121(1):119-29. PubMed PMID :
3552786.

Desmoulière A, Chaponnier C, Gabbiani G. Tissue repair, contraction, and the myofibroblast. Wound Repair Regen. 2005 Jan-Feb ;13(1):7-12. Review. PubMed PMID : 15659031.

Ehrlich HP, Hunt TK. Collagen Organization Critical Role in Wound Contraction. Adv Wound Care (New Rochelle). 2012 Feb ;1(1):3-9. Review.

Hinz B. Formation and function of the myofibroblast during tissue repair. J Invest Dermatol. 2007 Mar ;127(3):526-37. Review.

Rossio-Pasquier P, Casanova D, Jomard A, Démarchez M.
Wound healing of human skin transplanted onto the nude mouse after a superficial excisional injury : human dermal reconstruction is achieved in several steps by
two different fibroblast subpopulations.
Arch Dermatol Res. 1999 Nov ;291(11):591-9.

Tomasek JJ, Gabbiani G, Hinz B, Chaponnier C, Brown RA. Myofibroblasts and
mechano-regulation of connective tissue remodelling. Nat Rev Mol Cell Biol. 2002
May ;3(5):349-63. Review. PubMed PMID : 11988769.


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