Biologie de la peau

L’acide hyaluronique/hyaluronane

jeudi 26 janvier 2012 par Michel Démarchez

L’acide hyaluronique   ou hyaluronane est une chaîne linéaire non ramifiée formée d’unités disaccharidiques répétitives d’acide D-glucuronique et de D-N-acétylglucosamine. Sa masse moléculaire peut atteindre 107 daltons. Sur ce polymère peuvent se fixer une centaine de protéoglycannes sulfatés, formant ainsi des structures supramoléculaires de taille considérable qui peuvent capturer de grandes quantités d’eau et d’ions permettant ainsi de préserver l’hydratation et la turgescence de la peau.

Environ 50% de l’acide hyaluronique total de l’organisme se trouve dans le derme   et le derme papillaire est plus riche en acide hyaluronique que le derme réticulaire. L’épiderme   contient également de l’acide hyaluronique qui est donc synthétisé par les fibroblastes   et les kératinocytes  . Le versican   est capable de s’associer à la fois à l’acide hyaluronique et aux microfibrilles des fibres élastiques  , la fibrilline-1   et les fibulines 1 et 2 et permet ainsi une co-distribution des fibres élastiques du derme et de l’acide hyaluronique.

En cosmétique, l’acide hyaluronique entre dans la composition de crèmes, gels, masques, laits, sé-rum, principalement en raison de ses propriétés hydratantes. L’acide hyaluronique est également utilisé en médecine esthétique comme produit de comblement des rides.

En 1934, #Meyer et Palmer isolent de l’humeur vitreuse bovine une substance qu’ils nomment acide hyaluronique  , cette dénomination provenant du grec « hyalos » (vitreux) en raison de sa présence dans l’humeur vitrée et uronique en raison de la présence d’acide hexuronique. L’appellation plus récente « hyaluronane » est utilisée depuis 1984 en conformation avec la nomenclature internationale des polysaccharides pour désigner à la fois l’acide hyaluronique et le hyaluronate de sodium.

 Distribution tissulaire de l’acide hyaluronique

Depuis sa découverte, il est apparu que l’acide hyaluronique est un constituant naturel jouant un rôle majeur dans la biologie des organismes vivants. L’acide hyaluronique a ainsi été identifié dans tous les tissus des vertébrés, à des concentrations élevées dans l’humeur vitrée, le liquide synovial, le cordon ombilical et dans la peau qui contient plus de 50 % de la totalité de l’acide hyaluronique de l’organisme (20 g). Le derme   est plus riche en acide hyaluronique que l’épiderme   où il est surtout présent dans l’espace intercellulaire des couches spineuses et granuleuses et dans l’espace in-tracellulaire de la couche basale. Le derme papillaire est plus riche en acide hyaluronique que le compartiment réticulaire. L’acide hyaluronique se lie aux microfibrilles des fibres élastiques   du derme par l’intermédiaire du versican  .

L’acide hyaluronique est également particulièrement abondant au cours des processus de régénération, de réparation tissulaire et de métastase cancéreuse et apparaît très précocement au cours du développement embryonnaire, formant une enveloppe riche en eau autour du blastocyste. Il joue également un rôle majeur dans le maintien de la pluripotence des cellules souches en limitant leur différenciation, étant un composant fondamental de leur niche. C’est aussi l’acide hyaluronique qui va fournir un environnement favorisant la migration de ces cellules souches au cours de l’embryogenèse.

 Structure chimique de l’acide hyaluronique

Ceux sont les travaux de #Weissman et coll., 1952 et #Jeanloz et coll. qui ont permis de connaître la structure exacte de l’acide hyaluronique au début des années 50. L’acide hyaluronique est une chaîne linéaire non ramifiée formée d’unités disaccharidiques répétitives d’acide D-glucuronique et de D-N-acétylglucosamine, liées entre-elles par des liaisons glycosidiques alternées β-1,4 et β-1,3 ; il a une masse moléculaire qui peut varier de 105 à 107 Daltons et peut s’étendre sur une longueur de 2 à 25 μm, la longueur du motif de répétition de l’acide hyaluronique en solution étant évaluée à 10 Å.

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A l’inverse des autres glycosaminoglycannes, l’acide hyaluronique n’est jamais sulfaté et n’est jamais associé à une protéine pour former une glycoprotéine. A l’état solide, l’acide hyaluronique se présente comme un polymère semi-cristallin. #Winter et coll. ont montré que ce polysaccharide possédait une conformation en hélice stabilisée par des liaisons hydrogène. Le modèle microscopique le plus répandu de l’acide hyaluronique en solution est celui d’une hélice 21 stabilisée par un réseau de liaisons hydrogène intramoléculaires dynamiques entre résidus adjacents ; c’est cette structure, qui lui confère un caractère semi-rigide.

 Fonction de l’acide hyaluronique

L’intérêt de l’acide hyaluronique tient à ses propriétés viscoélastiques et à sa capacité à capter l’eau. A faible concentration, les solutions d’acide hyaluronique présentent déjà une viscosité élevée. A plus haute concentration, les molécules d’acide hyaluronique peuvent s’auto-associer et s’entremêler, formant finalement des structures supramoléculaires gigantesques qui sont stabilisées par des liaisons hydrophobes inter caténaires, ce qui augmente dramatiquement la viscosité. Dans l’humeur vitrée de l’œil et la gelée de Wharton du cordon ombilical, l’acide hyaluronique représente ainsi un excellent biomatériau de comblement. Il s’infiltre dans l’espace extracellulaire des tissus, où il va occuper des volumes significatifs. Sa viscoélasticité lui permet des déformations tout en captant l’eau et les ions nécessaires au maintien de l’hydratation tissulaire. En occupant plus ou moins l’espace extracellulaire des tissus, il va exclure d’autres molécules, limiter la diffusion de substances et réguler la migration des cellules au sein des tissus. L’acide hyaluronique joue ainsi un rôle précieux au niveau des articulations, en tant que lubrifiant et amortisseur.

Molécule intervenant dans les processus d’inflammation  , de cicatrisation   et dans la métastase cancéreuse, l’acide hyaluronique joue également un rôle dans l’adhésion, la croissance et la migration cellulaire en se fixant sur les cellules par l’intermédiaire de récepteurs membranaires, le plus connu étant CD44 (pour plus d’information, voir #Nusgens, 2010).

L’acide hyaluronique pourrait également jouer un rôle dans la prolifération et la différenciation des kératinocytes  . Ainsi, il a été montré, en culture de cellules, qu’une concentration faible en calcium du milieu de culture induisait une forte production d’acide hyaluronique et une forte prolifération alors qu’une concentration élevée de calcium déclenchait le processus de différenciation des cellules, une diminution de la synthèse d’acide hyaluronique et une dégradation de l’acide hyaluronique par des hyaluronidases.

 Production et dégradation de l’acide hyaluronique

L’acide hyaluronique est produit par les cellules épithéliales, mésenchymateuses et immunitaires ainsi que par les cellules souches mésenchymateuses   et hématopoïétiques. Dans la peau il est majoritairement produit par les fibroblastes   du derme mais les cellules épidermiques en synthétisent également. Au cours du vieillissement   cutané, on observe une disparition progressive de l’acide hyaluronique dans l’épiderme alors qu’il reste présent dans le derme. Toutefois, la qualité de l’acide hyaluronique dermique change : la taille du polymère diminue, il est plus fortement lié aux structures tissulaires et il est plus difficilement extractible. Une exposition aigue aux UV   induit une augmentation du dépôt d’acide hyaluronique et un œdème alors qu’une exposition chronique entraine une dégradation de l’acide hyaluronique.

La demi-vie de l’acide hyaluronique dans l’organisme est variable, de 3 à 5 minutes dans la circulation, inférieure à 24h dans la peau et de 1 à 3 semaines au niveau des cartilages. C’est donc une molécule dont la constante synthèse et la constante dégradation permettent de moduler de façon précise une multitude de processus biologiques. La dégradation de l’acide hyaluronique est réalisée par des hyaluronidases qui en clivant la liaison β-1,4 génèrent des polymères de plus petite taille (pour plus de détails, voir #Stern et al., 2006).

Obtenu pendant longtemps par extraction de la crête de coq, on le fabrique, depuis plusieurs années par fermentation bactérienne. Cette méthode permet l’obtention de ce polysaccharide avec des rendements plus importants (6 à 10g/kg de moût contre 0,8g/kg de crêtes de coq) et une purification meilleure et plus facile et donc une contamination moindre par d’autres molécules potentiellement allergéniques.

 Utilisation de l’acide hyaluronique

En cosmétique, l’acide hyaluronique entre dans la composition de crèmes, gels, masques, laits, sé-rum, principalement en raison de ses propriétés hydratantes. Compte tenu de la taille de la molécule, il est peu probable que la molécule pénètre en profondeur et si elle a une action, elle sera uniquement de surface.

L’acide hyaluronique est également utilisé en médecine esthétique comme produit de comblement des rides en remplacement du collagène  , car les risques d’allergies sont moindres et l’effet dure plus longtemps (6 à 18 mois). Par ailleurs, sa résorbabilité empêche tout accident esthétique définitif. Des produits à base d’acide hyaluronique sont Restylane®, Juvederm®, Hydrafill®, Téosyal®, Hyaluderm®, Surgiderm®.

Dans le domaine biomédical, l’acide hyaluronique est utilisé pour traiter des pathologies ostéo-articulaires. Dans le cas de l’arthrose, la dégradation de l’acide hyaluronique du liquide synoviale, la diminution de sa concentration et de son poids moléculaire fait qu’il ne joue plus son rôle de lu-brifiant et d’amortisseur des chocs articulaires ce qui a pour conséquence une inflammation et la détérioration du cartilage. L’injection d’acide hyaluronique dans une articulation arthrosique (con-cept de viscosupplémentation) permet de restaurer les fonctions lubrifiantes et absorbantes de chocs du liquide synovial. C’est en 1966 qu’ont été réalisées les premières injections intra-articulaires d’acide hyaluronique pour traiter des arthropathies post-traumatiques chez des chevaux de course avec des effets positifs leur permettant de reprendre un entraînement normal. Par la suite, des injec-tions d’une fraction d’un sel sodique d’acide hyaluronique dans des genoux arthrosiques humains ont donné des résultats intéressants. De nombreuses études cliniques ont ensuite confirmé l’intérêt de ce type de traitement dont l’effet bénéfique débute deux à quatre semaines après la première in-jection et peut durer jusqu’à 6 mois à un an après le début du traitement. Les principaux produits existants sont : l’Arthrum® (LCA, France), le Hyalgan® (Fidia pharmaceuticals, Etats-Unis), le SU-PERARTZ® (Seikagaku, Japon), OSTENIL® (CHEMEDICA AG, Allemagne), Sinovial® (Gené-vrier, Sophia Antipolis, France) et VISCOSEAL® (TRB CHEMEDICA International, Suisse).

En ophtalmologie, l’acide hyaluronique est utilisé sous forme de gel, en tant qu’agent protecteur, lors d’interventions microchirurgicales de l’œil ou plus quotidiennement pour traiter une irritation oculaire. Parmi les produits utilisés, on trouve le Healon® (Advanced Medical Optics, Etats-Unis), l’Opegan® (Santen Pharmaceuticals, Japon) et l’OpeganHi® (Santen Pharmaceuticals, Japon).

L’acide hyaluronique est également employé sous forme de spray (Hyalugel®) par les dentistes pour accélérer la cicatrisation des gencives.

 Bibliographie

Revue

Pour une information très complète voir :

Nusgens BV. Acide Hyaluronique et matrice extracellulaire :une molécule pri-mitive ? Hyaluronic acid and extracellular matrix : a primitive molecule ?Ann Dermatol Venereol. 2010 Apr ;137 Suppl 1:S3-8. Review. French. PubMed PMID:20435253.

Stern R, Jedrzejas MJ. Hyaluronidases : their genomics, structures, and mechanisms of action. Chem Rev. 2006 Mar ;106(3):818-39. Review. PubMed PMID : 16522010 ; PubMed Central PMCID : PMC2547145.

Articles

Meyer, K. ; Paler, J.W. (1934) The polysaccharide of the vitreous humor, J. Biol.Chem., 107, 629.

Weissmann, B. ; Meyer, K (1952) Structure of hyaluronic acid. The glucuronidic linkage, J. Am. Chem. Soc., 74, 4729.

Jeanloz, R. ; Flowers, H. (1962) The Isolation and synthesis of the methyl estermethyl α-glycoside of 3-O-β-D-glucuronosyl-N-acetyl-D-glucosamine (hyalobiuronic acid), J. Am. Chem. Soc., 84, 3030.

Winter WT, Smith PJ, Arnott S. Hyaluronic acid : structure of a fully extended 3-fold helical so-dium salt and comparison with the less extended 4-fold helical forms. J Mol Biol. 1975 Dec 5 ;99(2):219-35. PubMed PMID : 1206703.


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